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Questions de terroir

Emission du 8 décembre 2007 / Catégories : Agriculture, Plante, Pollution

Description

C’est bien connu, les vins français sont exceptionnels parce que les terroirs le sont aussi...
Mais est-ce encore vrai ? Pas si sûr, après quelques décennies de traitements aux engrais et aux pesticides chimiques : la subtile interaction entre roche-mère, bactéries et mycorhizes est perturbée, quand elle n’est pas détruite.
Ce problème dont on parle peu, de plus en plus de viticulteurs le connaissent. Et s’ils ne s’affichent pas "bio", ils n’en ont pas moins recours à de nouvelles pratiques plus respectueuses des sols pour tenter de retrouver les saveurs perdues. L’un de leurs meilleurs guides sera au Phyto Bar le jeudi 6 décembre.

Invités

  • Claude et Lydia Bourguignon, du LAMS (Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols)

Liens

  • Le LAMS est un laboratoire d’analyses de sols en place. Il a été crée en 1990 par deux scientifiques Lydia Gabucci Bourguignon, maître-es-science et Claude Bourguignon, ingénieur INAPG. Ils ont développé et breveté une méthode originale d’analyses. Grâce à leurs recherches et leurs études statistiques de plus de 5000 analyses de sol effectuées en Europe et dans le monde, ils ont pu définir des critères de qualité et de vocation des sols, trop négligés aujourd’hui.

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Transcription

Ruth Stégassy : Terre à Terre, le magazine de l’environnement, et ce matin ou plutôt ce soir, nous revoici au Phyto Bar, je fais des rimes, pour des questions de terroir. Nous sommes ce soir en compagnie de Claude et Lydia BOURGUIGNON, on vous connaît déjà un petit peu à Terre à Terre, et puis on vous connaît bien plus largement, maintenant, en France et dans le monde, on aura certainement l’occasion d’y revenir. Si on remonte un petit peu dans le passé Claude et Lydia, vous êtes chercheurs l’un et l’autre, microbiologistes, vous avez travaillé à l’INRA jusqu’en 1989, et puis en 1989, une porte claque, je ne sais pas de quel coté, mais en tout cas, vous voilà dehors, et un an plus tard, surgit, en Bourgogne, votre terre natale, le LAMS, Laboratoire d’Analyses Microbiologique des Sols. Vous dites volontiers que vous êtes des fossiles vivants, puisque de microbiologistes, ils n’en existent plus en France, en tout cas on n’en forme plus, depuis 1986. Et que font, ce sera la première question ce soir, des fossiles vivants en Bourgogne, en Champagne, en Alsace, en Val de Loire, dans le Jura, le Jurançon, le Côte du Rhône, Languedoc-Roussillon, Bordeaux Château, et même parfois à l’étranger ? Quelle relation entre ces recherches étranges, et le terroir, le vin, Lydia, peut être ?

Lydia Bourguignon : Nous sommes effectivement…, on travaille pour des vignerons qui sont sensible au problème de leur sol, et on va essayer de les aider, pour qu’ils amènent une meilleure qualité à leur vin, et comme c’est lié à la vie de leur sol, comme nous sommes spécialiste de ça, on va les aider pour ça, et c’est pour ça que on travaille en France, en Europe, et à l’étranger.

Ruth Stégassy : Alors, lié à la qualité des sols, on a plutôt tendance à penser que c’est lié à la qualité des cépages, du climat, …

Claude Bourguignon : L’identité d’un vin est liée fortement au sol, la preuve, la meilleure preuve c’est la Bourgogne, puisque en Bourgogne, vous n’avez qu’un seul cépage, un pour le rouge, le Pinot Noir, et un seul pour le blanc, le Chardonnet, et si vous goûtez en bouche, un Gevrey Chambertin, et par exemple un La Tâche ou un Rivebourg, vous voyez que c’est extrêmement différent, pourtant c’est le même cépage, le même porte-greffe, la même région, c’est le sol qui fait cette identité

Ruth Stégassy : Le même climat, le même terroir.

Claude Bourguignon : Non, justement pas le même terroir !

Ruth Stégassy : C’était une question piège pour voir si vous suivez. Alors pourquoi pas le même terroir ?

Lydia Bourguignon : Parce que en fait, et c’est la spécialité des recherches que nous avons faites, la Bourgogne a effectivement notre terre de travail, un seul cépage, et on s’est demandé pourquoi, en fait, les bénédictins, très tôt, avaient délimités ces parcelles, puisqu’en Bourgogne, on a des parcelles qui font à peine un hectare, qui jouxte une autre parcelle, et jamais un vigneron ne mélangerait les deux vins. Donc on s’est dit qu’il y a certainement quelque chose. On a regardé dans les études, et beaucoup de gens disaient, il n’y a pas eut vraiment de corrélation entre l’altitude, la température, la quantité d’argile, on s’est dit qu’il doit y avoir quelque chose de plus subtil.

Ruth Stégassy : Ca c’est à l’époque ou vous étiez encore à l’INRA ?

Lydia Bourguignon : Non, c’est dans notre laboratoire, le LAMS. En fait les argiles, on va rentrer un petit peu dans les détails : une argile c’est comme un livre, il y a plein de feuillets, et dans ces feuillets, les éléments, la potasse, le sodium, le calcium, sont dedans, et il y a des argiles qui n’ont pas beaucoup de pages dans le livre, et il y en a d’autre qui en ont beaucoup, et cela s’appelle la surface interne spécifique des argiles et cela peut aller de…, avec 1 milligramme on peut couvrir 40 mètres carré, et avec 1 milligramme on peut aller jusqu’à 800 mètres carré. Imaginez un papier de type gros papier, de type papier de dessin, et un papier bible : l’épaisseur du livre sera la même, et dans un cas il y aura 800 pages, et dans l’autre vous allez avoir 10 pages. Dans ces feuillets, les éléments sont dedans, et plus vous avez de feuillets, plus vous allez avoir d’éléments. Et ce sont ces éléments, on a montré, que plus vous avez de feuillets, plus vous avez de surface interne, plus les viticulteurs bourguignons on mit du rouge. Et quand les argiles étaient plus faibles, ils ont mit du blanc. A la suite de ça, on a essayé de sortir de notre Bourgogne, puisque la critique aurait été, alors que la Bourgogne n’a que du Pinot pour le rouge et du Chardonnet, et on a débordé dans les autres régions viticoles, et on retrouve toujours cela.

Ruth Stégassy : Parce que une terre à vin c’est toujours une terre argileuse ?

Lydia Bourguignon : Ah, non !

Ruth Stégassy : Alors ?

Claude Bourguignon : Il y a des terres sableuses et des terres argileuses. Mais un sable ne nourrit pas une plante, un limon ne nourrit pas une plante, c’est dans l’argile que les éléments sont stockés. C’est la seule forme minérale qui est capable de nourrir une plante. C’est ça qui nous intéresse, dans la mesure où on recherche un facteur explicatif de la notion de terroir.

Ruth Stégassy : Donc ça signifie que quelque soit le type de sol, on aura toujours un minimum d’argile.

Claude Bourguignon : Oui, s’il n’y avait pas d’argile du tout, ce ne serait pas un terroir, vous ne pourriez pas nourrir des plantes.

Ruth Stégassy : Ca c’est vrai pour tout type de plante ?

Claude Bourguignon : Pour tout type de plantes. Dans les sables purs, vous avez les landes de Sologne par exemple, vous êtes sur des sables avec en plus une argile très, très pauvre, la kaolinite en faible quantité, il n’y a que de la bruyère qui pousse, il n’y a rien d’autre, vous auriez beaucoup…, on fait un peu de vin dans la Sologne, mais pas dans la vrai Sologne pouilleuse.

Ruth Stégassy : Alors ensuite on peu compliquer les choses, puisque selon que l’on sera sur du granit, ou sur du schiste, ou je ne sais pas…, est ce que cela créer encore des différences ou bien est ce que c’est uniquement ce feuilletage de l’argile.

Lydia Bourguignon : Quand vous parlez granit, schiste, on est déjà dans le caillou, la roche, quoique, en étude on apprenne que les argiles sont en fait des roches sédimentaires. Elles sont assimilées à de la roche, puisque les plantes vont se nourrir dedans. C’est vrai que si vous êtes sur des schistes, on va avoir des sols qui seront soit plus acides, cela va donner à ce moment là l’acidité ou la basicité du sol, et ça aussi ça compte pour les goûts des vins.

Ruth Stégassy : Alors justement, parce que là on a l’impression d’être rentré, d’avoir plongé directement jusqu’à la roche, mais si on remonte dans la plante, qu’est ce qui se passe exactement, et qu’est ce qui fait que la composition du sol peut influer sur le goût d’un vin ?

Claude Bourguignon : Il faut savoir qu’une plante ne peut pas se nourrir dans le sol, et va se nourrir grâce aux microbes, exactement comme ce qui se passe dans nos intestins. Ce sont les microbes qui vont prendre les éléments du caillou et les rendrent assimilable par la plante Or chaque roche a une composition donnée, donc chaque roche va donner à la plante un milieu nutritif bien particulier. Or il faut savoir que les parfums que vous goûtez, dans les vins, dans n’importe quelle plante d’ailleurs, ces parfums sont des molécules carbonées, formées normalement uniquement à partir de la transformation des sucres de la photosynthèse, donc c’est pour ça qu’il y a beaucoup de gens…, les américains disent :"Soil for wine is just bullshit", le sol pour le vin c’est de la merde, ça ne sert à rien, puisque tous les composés parfumés sont carbonés. Mais ce que les gens qui disent ça ne savent pas, c’est que ces composés carbonés sont synthétisés par des molécules qui existent dans tous les êtres vivants qui s’appellent les enzymes, qui sont les protéines qui font les synthèses. Or toutes les enzymes sont des protéines à co-facteur métallique : vous avez les enzymes à molybdène, à cobalt, à manganèse, etc., et tous ces éléments là sont rendus assimilables par les microbes. Donc en fonction de la roche, vous aurez plus de… par exemple si on prend le morgon, c’est un granit à manganèse, on retrouve le manganèse dans le vin. D’ailleurs les vignerons disent : « il morgonne, mon vin morgonne ». On connaît encore très mal la chaîne d’enzymes qui synthétise les différents parfums.

Ruth Stégassy : On la connaît mal parce qu’on ne l’a pas étudiée ?

Claude Bourguignon : On ne l’a pas étudiée, oui.

Ruth Stégassy : Parce qu’on ne s’y intéresse pas.

Claude Bourguignon : Pour les physiologiste il n’y a que le cépage qui compte, ils se fichent du sol.

Ruth Stégassy : Vous dites, d’un coté, c’est ça qui me parait le plus extraordinaire, vous parlez d’un coté de l’argile, de l’autre coté des microbes, et en fait c’est une sorte d’alchimie qui se passe entre les deux, et qui est véritablement à l’origine, de la culture des plantes, du fait que les plantes poussent, vivent.

Lydia Bourguignon : On va rentrer un peu dans la complexité. C’est vrai que …

Ruth Stégassy : On y est déjà !

Lydia Bourguignon : C’est vrai qu’il y a une relation… En fait un sol, pour que les gens, il faut qu’ils comprennent, un sol en fait c’est extrêmement structuré, c’est comme notre peau. On a le dessus, l’épiderme, donc on va avoir la zone épigée au dessus, et en dessous, en profondeur, on a l’endoderme, et pour le sol on a l’endogée. Et en fait, quand un sol est vivant, on va avoir de la faune et des microbes en surface, on va avoir de la faune et des microbes au fond, ces faunes vont bouger à l’intérieur, vont aérer le sol…

Ruth Stégassy : Vous faites un signe comme si il y avait des ascenseurs, ça monte, ça descend.

Lydia Bourguignon : Exactement. Parce qu’en fait au dessus, la faune épigée va créer une aération, en bas on a aussi une faune, aussi, qui créée une aération, au milieu pour simplifier, on a les vers de terre, que tout le monde connaît, qui brassent, qui montent, et qui descendent, qui brassent le sol, ça va faire que le sol va être aéré, cette aération va permettre aux microbes de se multiplier, et ces microbes vont permettre de solubiliser les éléments, et la plante va se nourrir avec ces éléments. En fait c’est extrêmement compliqué, un sol c’est extrêmement structuré, il faut pas croire que…, et pour beaucoup de gens, et c’est peut-être pour ça qu’on nous appelle, parce qu’à l’heure actuelle les sols ne sont plus vivant, ne sont plus dans cet équilibre, et on essaye de le remettre, on essaye de remettre, entre guillemets je dirait, les horizons, de ramener les faunes, pour que les microbes se remettent en mouvement, que la plante se nourrissent des éléments du sol, et non pas des fertilisants.

Ruth Stégassy : Vous dites des choses assez frappantes, assez terribles, vous dites en effet que les sols sont en train de mourir, qu’ils auraient perdus jusqu’à 90 pour cent de…

Claude Bourguignon : 90 pour cent de l’activité biologique, oui. En moyenne, en Europe, aux Etats-Unis, enfin sur les pays disons…, utilisant l’agriculture intensive, on a perdu 90 pour cent de l’activité biologique de nos sols. C’est toute la pyramide biologique qui est en train de mourir.

Ruth Stégassy : En combien de temps ?

Claude Bourguignon : On a fait ça en 50 ans de pesticides, de défonçage avec des machines puissantes. Et ce qui est intéressant c’est que nos collègues du muséum observent exactement la même chose : disparitions de 90 pour cent des insectes, 90 pour cent des amphibiens, 90 pour cent des reptiles, 90 pour cent des oiseaux. Comme le sol est la base de toute la pyramide vivante, la mort des sols est en train d’effondrer…, le problème est que les gens s’en fichent parce que, il n’y a plus d’oiseaux, mais comme il reste des corbeaux, il y a toujours des espèces qui s’adaptent à un système effondré, comme il reste des corbeaux, et des étourneaux et des mouettes, ils sont contents. Toutes les fauvettes disparaissent, c’est un carnage. Ce qui se passe à l’heure actuelle c’est un véritable carnage, et personne ne le regarde. Nous on le voit dans notre microscope quotidiennement, c’est plus de vers de terre, il n’y a plus rien : les sols sont morts. D’où l’érosion, c’est pour ça que je vous dis il y a l’érosion partout, les rivière sont pleines de boues, et les gens ne sont pas… trouvent ça normal, ils ont finis par s’habituer, qu’à chaque fois qu’il pleuve nos rivière sont pleines de boues, alors que nos rivière autrefois étaient transparentes, avec des poissons dedans. Mais ils ne sont pas choqués par ce monde qui meure.

Ruth Stégassy : En quoi est ce que c’est, la vie ou plus exactement l’agonie du sol qui est le socle de cet effondrement généralisé ?

Lydia Bourguignon : Si vous n’avez plus ce que l’on vous a dit, cet équilibre, cette structure, en fait le sol par ces mécanismes, il va y avoir la matière organique d’un coté, les argiles de l’autre, et en fait grâce à un atome, le calcium, comme s’il avait deux bras, il va prendre la matière organique d’un coté, l’argile de l’autre, il va faire le complexe argilo - humique qui est la terre. A partir du moment où vous n’avez plus de vie, il n’y a plus d’éléments, la matière organique, en plus on a de moins en moins de matière organique, les argiles ne vont pas être tenues, et donc elles vont partir dès qu’il va pleuvoir, elles vont partir, et on va les retrouver dans les rivières et dans la mer. Donc en fait c’est la destruction, c’est la finalité. La mort d’un sol ça commence par la mort de la faune, quand il n’y a plus de faune, il n’y a plus d’aération, les éléments vont passer dans les nappes phréatiques. Quand il n’y a plus ça, c’est l’argile qui s’en va et c’est l’érosion, et l’érosion c’est vraiment la mort des sols, c’est la fin.

Ruth Stégassy : C’est la fin, c’est justement le désert.

Lydia Bourguignon : C’est justement le désert.

Claude Bourguignon : Nous fabriquons 10 millions d’hectares de désert chaque année, dans le monde, à ça vous rajoutez 5 millions d’hectares qui terminent sous le béton, il y a donc 15 millions d’hectare de sol qui sont définitivement retiré de leur activité vivante sur la planète. Avec une population qui augmente de 90 millions d’habitants chaque année.

Ruth Stégassy : Mais si ce n’est comme vous le disiez, on ne le vois pas.

Claude Bourguignon : Non, ça ne se voit pas

Ruth Stégassy : Et ça peut rester invisible comme ça encore longtemps ? Par exemple, si on revient sur le vin, qui était notre festive question de départ, et on voit que la fête commence à battre un peu de l’aile. Mais si on reprend l’exemple des vins, est-ce que la plupart des vignobles sont cultivés sur de ces terres que vous dites mortes ? Ou bien est-ce qu’il y a encore un frémissement de vie ?

Lydia Bourguignon : Beaucoup de vignes sont sur des terres mortes, parce qu’on a utilisé beaucoup d’herbicides pour tuer, puisque les gens ne veulent plus… à une époque on travaillait, on travaillait, après on a arrêté de travailler pour enlever les mauvaises herbes, donc en fait ils ont utilisé des herbicides, on utilise des machines qui compactent de plus en plus les sols, donc si vous tassez, il n’y a plus d’air donc il n’y a plus de faune, et quand même nous, dans ce que l’on voit, il y a quand même, je dirais 70, 80 pour cent des sols en France, de vignes, même à l’étranger, qui ne sont pas vraiment vivantes.

Ruth Stégassy : Les herbicides, les pesticides, avant cela il y a les engrais, peut-être, …

Claude Bourguignon : … les engrais chimiques. La vigne c’est trois pour cent de la surface agricole utile en Europe, elle consomme 30 pour cent des pesticides. La viticulture et l’arboriculture polluent 10 fois plus que la céréaliculture. C’est l’agriculture la plus polluante qui existe. Résultat : les sols meurent, et nous on le voit, pour vous donner une idée, l’enracinement moyen de la vigne en Europe est passé à la fin du XIXème…, les études de l’époque montraient que la vigne descendait à plus de trois mètres cinquante de fond, maintenant on est à moins de cinquante centimètres. Et les gens vous parlent encore de vins de terroir.

Ruth Stégassy : À cause du compactage ?

Claude Bourguignon : À cause de la compaction et de la mort des sols, il n’y a plus d’air, donc les racines meurent, et vous n’avez plus que des racines en surface, il n’y a plus d’oxygène dans les sols.

Ruth Stégassy : Ca pose un problème supplémentaire, que vous évoquez, c’est le fait qu’un cep de vigne, pour être véritablement… dans le plein épanouissement de ce qu’il peut donner, il doit être assez âgé.

Claude Bourguignon : Ah oui.

Lydia Bourguignon : Ah oui. Mais le problème c’est que, quand on lit les anciens livres, on dit que pour le vin il faut au moins entre 30 et 40 ans. Quand on lit Don De Nice, qui est une veille thèse, qui a été publiée dernièrement, il est dit qu’il faut 40 ans Maintenant, à 25 ans, on arrache les vignes Cherchez l’erreur.

Claude Bourguignon : Avant le greffage, avant le phylloxéra, une vigne ça vivait quatre siècles. Le phylloxéra a détruit le vignoble européen, on a greffé, on met sur porte-greffe. Sur porte-greffe, une vigne tiens 100 ans. Maintenant c’est 25 ans. On arrache les vignes avant qu’elle commence à faire des grands vins.

Ruth Stégassy : Alors, le phylloxéra, puisque vous en parlez, parlons-en. J’ai lu quelque part que vous seriez des amis du phylloxéra ?

Lydia Bourguignon : On n’est pas des amis, mais…, personne ne travaille sur le phylloxéra Depuis toujours, il y a même eut une prime or, je ne sais plus de combien de point de…, si quelqu’un trouvait un moyen de lutter contre le phylloxéra, ça c’est notre interprétation Les pépiniéristes n’ont pas vraiment intérêt à ce qu’on travaille sur le phylloxéra, parce que c’est la mort de leur métier. Donc on a, on voudrait, parce que c’est le talon d’Achille de la viticulture française, puisqu’en fait, la vigne est greffée, elle est greffée sur le porte-greffe, et aime les sols acides, et notre vigne, Vitis Vinifera, aime nos sols calcaires.

Ruth Stégassy : Alors attendez, Lydia bourguignon. On va revenir en arrière, parce que là, on a pris les choses un peu rapidement. Donc…, d’abord le phylloxéra, quand et comment est-il arrivé ? Ca c’est déjà la première surprise.

Lydia Bourguignon : Personne ne sais vraiment quand est ce qu’il est arrivé. Il y a plein de légendes qui disent que c’était le baron Rothschild qui a offert un pied de vigne à ses clients, qui était un pied américain, il y en a d’autre qui disent que c’est par les planches. On ne sait pas du tout quand est-ce qu’il est arrivé.

Ruth Stégassy : Par les planches ?

Claude Bourguignon : Par des planches qui auraient servit dans des bateaux

Ruth Stégassy : En tout cas il est arrivé d’Amérique.

Claude Bourguignon : Voilà, d’Amérique. C’est un insecte qui attaque, qui pique les racines des vignes américaines.

Lydia Bourguignon : Il a touché surtout le sud de la…, le Languedoc, c’est la première zone qui a été touchée. Il y a des études qui montrent que c’était quand même…, le Languedoc était déjà beaucoup plus industrialisé, enfin avec des vignes de type industrialisées. Donc peut-être des vignes qui étaient déjà fatiguées, ça s’est abattu, et après c’est remonté, ça a couvert…, ça a détruit tout le vignoble européen

Ruth Stégassy : Parce que si on fait un état des lieux, les vignes telles qu’elles étaient à l’époque, Vitis Vinifera, comme vous le disiez, c’était ce qu’on appelle les vignes franches de pieds, c’est-à-dire qui ne sont pas greffées.

Claude Bourguignon : … pas greffées, donc naturellement peu vigoureuses. La greffe provoque ce qu’on appelle la vigueur hybride. Donc dès que vous greffez, vous augmentez la vigueur. Le rendement en France, dans le vignoble français, va doubler après le phylloxéra. Et plus vous augmentez la quantité, plus vous perdez de qualité Ca c’est une règle…, le grand agronome Gressan avait écrit à la fin du XIXème : "les engrais ont définitivement prouvés leur incapacité de faire des bonnes plantes, car ils augmentent le feuillage mais font disparaître le goût des plantes", et nous savions dès la fin du XIXème que les engrais rendent les aliments totalement insipides.

Ruth Stégassy : Systématiquement ?

Claude Bourguignon : Systématiquement ! Les tomates hors sols n’ont strictement aucun goût. Vous ne pouvez pas avoir du goût avec du rendement. C’est un choix dans la vie : ou vous avez de la qualité ou vous avez de la quantité, hélas on ne peut pas avoir les deux. Ce sont des choix. Et nous nous travaillons avec des vignerons qui veulent faire des vins qui ont une identité. Et là, à l’heure actuelle, on arrive à une situation amusante où même des vignerons, dans des dégustations ne reconnaissent plus leurs vins, tellement ils ont perdu leur identité. Evidemment, ils ont des enracinements sur 20 centimètres de hauteur, ils ne peuvent pas reconnaître leurs vins

Ruth Stégassy : Et des vignes qui ont 25 ans d’âge, c’est-à-dire qui sont des gamines, et quand on vous écoute, vous dressez est un tableau finalement extrêmement noir de la situation. Donc…, dans ce tableau très noir, comment est-ce que les viticulteurs, les vignerons français, se débattent pour continuer à avoir ce qu’on appelle une identité, les grands vins français, le terroir ou les terroirs ?

Lydia Bourguignon : En fait pour revenir sur ce que vous disiez au début, les vignerons ne sont pas totalement responsables de ça, c’est qu’après la guerre…, les gens disent des fois oui, mais…, après la guerre, vu l’industrialisation et certaines choses, même pendant la guerre de 14 et de 40, c’est vrai qu’on a demandé énormément de production de vin, parce qu’en fait, les gens, pour travailler, pour aller à la guerre ou aller dans les mines, les gens buvaient du vin. C’est vrai que en France on a demandé une production de vin, on a demandé aux vignerons de faire du rendement, et pour cela il fallait trouver des porte-greffes, des porte-greffes américains, mais qu’on a croisé, et qui étaient des porte-greffes productifs. La viticulture a été pendant longtemps…, on a proposé aux viticulteurs des porte-greffes productifs, c’est-à-dire qui n’étaient pas forcément sur la qualité, mais qui étaient sur la quantité.

Ruth Stégassy : Est-ce que ce n’est pas paradoxal, Lydia Bourguignon, que vous dites à la fois qu’on a importé des porte-greffes beaucoup plus productifs, mais dans le même temps, vous disiez tout à l’heure, et je vous ai arrêté en disant stop, n’allez pas trop vite, que les porte-greffes américains aiment les sols acides, alors qu’ici on est en sol calcaire, comment est ce qu’on peut…, pourquoi est ce qu’ils sont productifs puisqu’ils n’aiment pas nos sols ?

Lydia Bourguignon : Mais Claude venait de vous dire que quand on greffe, c’est l’hybridation, et dès que vous faite une greffe, tous les fruits sont fait comme ça. Pour avoir une production de pommes, on greffe, pour avoir…, tous les arbres fruitiers, toute l’arboriculture est greffée. Le greffage produit ces…, c’est utilisé pour ça, en fait ça donne de la quantité.

Ruth Stégassy : Ca donne une quantité, mais en même temps ça force, d’une certaine manière, l’arbre et le fruit à être dans des conditions qui ne sont pas exactement celles qu’ils auraient pu souhaiter.

Claude Bourguignon : Ils vont mourir plus jeunes.

Ruth Stégassy : Aussi ?

Claude Bourguignon : Oui, puisque vous leur faites produire de trop, donc il va mourir plus jeune. Une plante ou un animal, une vache, elle est capable de faire 40 000 litres de lait dans sa vie. Vous pouvez la piquer à la somatotropine, aux hormones comme on fait maintenant dans les élevages industriels, ça fini par les rendre folles mais ça fait produire beaucoup, vous pouvez lui faire produire plus de 10 000 litres de lait par an, mais elle fera ça 4 ans, mais après elle va mourir, c’est l’abattoir. Ou vous la laissez tranquille faire ses veaux comme autrefois et pendant 10, 12, 15 ans elle va vous faire du lait, mais à 3500, 4000 litres de lait. Un organisme produit une certaine quantité dans sa vie, donc une vigne c’est pareil, elle fait une certaine production, vous pouvez lui faire faire en 100 ans, ou en 25 ans.

Ruth Stégassy : Qu’est ce qui fait que les vins français ont continué à être réputés si longtemps, ce qui est moins vrai il y a quelques années, mais tout de même pendant très longtemps ? Or quand on vous écoute on se demande…

Lydia Bourguignon : Parce que les français très tôt…, on dit que c’est le berceau de la vigne, les français très tôt, et certainement initiés au démarrage par la Bourgogne, puisque c’est là, c’est les cisterciens qui les premiers ont vraiment, bon les bénédictins ont délimités les parcelles, donc ça n’a quasiment pas changé, quand on lit les écrits des bénédictins, il y a quasiment, à Vosne–Romanée on retrouve pratiquement les même parcelles que maintenant, par contre c’est les cisterciens qui ont vraiment travaillé pour faire du vin, parce que il y a la culture, mais après il y a la vinification. Et…

Ruth Stégassy : Ce que vous appelez les vins spirituels.

Lydia Bourguignon : Ce qu’on peut appeler des vins spirituels. Et c’est vrai qu’il y a un savoir. La France a très tôt a cherché à travailler énormément comment faire du vin, l’œnologie, et on est de ce coté là, d’ailleurs beaucoup de…, nous on voyage beaucoup dans des pays européens et très loin de l’Europe, et la plupart du temps les gens qui…, les œnologues sont français. Donc c’est des français qui vont faire le vin, ou qui apprennent…

Ruth Stégassy : Il y a une forme d’érudition, de savoir raffiné, …

Claude Bourguignon : Il y a le terroir. Vitis Vinifera est une plante calcaire. La France est le pays du monde qui a le plus de calcaire, 55 pour cent de notre géologie est calcaire. Pour vous donner une idée : les USA, 3 pour cent seulement de calcaire. C’est pour ça que quand on veux les agacer un peu, les américains, on leur dit : de toute façon vous ne ferez jamais de grand vin, vous n’avez pas de calcaire. Vitis Vinifera est une plante calcicole, et donc on a quand même le calcaire. Et en plus nous avons les meilleurs calcaires pour faire le vin, c’est un calcaire du jurassique. Ce que possède très peu de pays.

Ruth Stégassy : En Europe aussi ? On est les seuls ?

Claude Bourguignon : En Europe aussi… C’est nous qui avons la plus grande quantité de calcaire du jurassique en Europe. Une grosse partie de l’Europe a du calcaire plutôt du tertiaire, et qui sont loin d’être aussi fracturé, aussi fissuré, ne permettant pas aux racines de descendre aussi profond, puisque c’est en France qu’on a le record d’enracinement de vigne : 75 mètres de profondeur. Nous avons des contacts racines–terroir qui sont impressionnante. Et la France est fille aînée de l’Eglise, c’est donc elle qui produit le sang du Christ. Tout ça c’est des vraies, des veilles dimensions spirituelles.

Ruth Stégassy : Tout à fait, j’allais justement vous dire que ce qui est assez frappant quand on vous écoute c’est qu’il y a véritablement à la fois ces conditions qui ont l’air quand même assez exceptionnelles et toute cette culture du vin, au sens culturel, et non pas cultural, que vous étiez en train d’évoquer.

Lydia Bourguignon : Je trouve que c’est assez dramatique la façon dont en ce moment la France, nos politiques, attaquent ce patrimoine.

Ruth Stégassy : Nos politiques maintenant ? Attendez, alors là vous allez une fois de plus vous…

Lydia Bourguignon : Mais cette loi terrible sur cette assimilation du vin de l’alcoolisme et tout. Je veux dire, on ne défend absolument pas ce patrimoine C’est une vraie attaque : on attaque beaucoup plus le vin, on attaque les alcools, et on ne devrait pas. C’est une culture. Ce n’est pas inciter les gens à boire, et à être alcooliques, et être saoul tous les soirs. Il y a peu de jeunes qui boivent du vin, on dit…, bon, on va pas rentrer…, mais en fait on va dans d’autre pays, l’Italie, l’Espagne, c’est considéré comme un patrimoine et il y a une vraie défense de cette culture. Et en France, les vignerons ne sont absolument pas soutenus par rapport à ça, et on attaque une culture. C’est culturel le vin.

Ruth Stégassy : C’est un peu curieux de vous entendre dire ça, parce qu’on a quand même en général le sentiment que les vignerons sont l’aristocratie de l’agriculture.

Claude Bourguignon : Oui, mais ils sont très mal défendu. Nous avons le deuxième plus grand lobby d’alcool industriel du monde, qui lui sait faire le lobbying auprès des hommes politiques. Et vous pouvez remarqué que dans les publicités contre l’alcool, on ne voit que des verres de vins, vous ne voyez jamais d’alcool industriel, jamais de boissons anisées, jamais de whisky, jamais de vodka. Donc il y a une attaque qui est voulue spécifiquement contre le vin parce que ce sont des artisans indépendants. Alors que les grand lobbys… Vous savez vous faites beaucoup plus de bénéfices avec de l’alcool industriel, c’est fait avec des céréales. Un homme peut cultiver 500 hectares de céréales, un homme ne peut pas cultiver 500 hectares de vin, c’est impossible. Le vin demande une taille, une occupation, c’est artisanal. C’est beaucoup plus facile d’attaquer des petits artisans isolés, que de toucher à des grand lobbys qui payent les campagnes électorales, etc. Donc on attaque que le vin, on n’attaque jamais l’alcool industriel.

Lydia Bourguignon : Mais, la publicité ! Vous voyez la publicité pour Ricard, ils disent boire avec modération. Un vigneron, lui, personnellement, en son nom, n’a pas le droit, de faire de la publicité, il ne peut pas écrire son nom, c’est la région Bourgogne, qui va faire de la publicité pour son vin. Mais un vigneron avec son nom, ne peut pas. Alors que vous voyez, bon, on peut dire que… c’est grave.

Ruth Stégassy : Mais vous êtes là ce soir pour aider à leur redonner leur lettres de noblesse, et le reste du temps, quand vous n’êtes pas au Phyto Bar, vous êtes en fait avec eux, dehors, bon pas uniquement avec eux, après on va élargir. Mais tout de même, si on reste maintenant dans ce travail que vous faites auprès des viticulteurs et des vignerons, qu’est-ce qu’ils vous demandent exactement et qu’est que vous pouvez leur apporter ? A part faire des constats assez terribles comme on vient de vous entendre les faire, quelle thérapie possible, puisse qu’on a l’impression que la situation est quand même très, très grave, là ?

Lydia Bourguignon : Oui, mais la Nature, elle est bonne fille, quand on s’en occupe, quand on la respecte, quand on essaye de…, en général, sauf si c’est vraiment…, mais en quelques années on arrive…, les vignerons avec qui on travaille voient des résultats au niveau de la dégustation, de la tenue des vins, donc en fait, bon, c’est absolument pas irréversible.

Ruth Stégassy : Mais de quelle manière alors ? Qu’est ce qu’on peut faire pour lutter contre la mort des sols, contre le fait que les cépages actuels sont des porte-greffes ?

Claude Bourguignon : Justement, on va faire changer les porte-greffes…

Ruth Stégassy : On peut ?

Claude Bourguignon : Bien entendu

Ruth Stégassy : Est-ce qu’on a… puisque très souvent, c’est une question qui revient dans Terre à Terre, la perte de la biodiversité, la perte des semences traditionnelles, etc., est-ce qu’on a conservé des pieds d’origine qu’on pourrait replanter ?

Claude Bourguignon : Non, mais il existe des porte-greffes très peu vigoureux, très qualitatifs, qui avaient été repérés d’ailleurs dès la fin du XIXème, éliminés après parce que justement pas assez productifs, mais qui n’ont pas disparu…

Ruth Stégassy : Mais là vous restez dans le porte-greffe.

Claude Bourguignon : …oui, là, je prend le porte-greffe par exemple. Mais qui existent toujours. C’est très compliqué d’obtenir des pépiniéristes qu’ils nous en passent, parce que évidement comme ils ne sont pas vigoureux, la vigne ne démarre pas, elle ne fait pas tout de suite des feuillages la première année, donc ils ont peur que le client soit déçu. Donc c’est en fait nous qui disons que… je veux le petit là, pas gros, qui fait une vigne pas belle pendant trois, quatre ans, et c’est ça qui me fera un grand vin dans 30 ans. Mais là il faut qu’il y ai un vrai accord entre…, que le pépiniériste soit d’accord et que le client s’attende à ce que la vigne ne soit pas…, ne fasse pas du feuillage, mais qu’elle commence d’abord par faire des racines, parce que c’est ça qui est important.

Ruth Stégassy : Mais en tout cas on ne retourne pas au franc de pied.

Lydia Bourguignon : Non, parce que là, on a quelque…, pour l’instant, il y a quelques vignerons qui font des expériences, mais il faut y aller vraiment sur la pointe des pieds, parce que le phylloxéra est encore extrêmement virulent, donc en fait, il faut…, si un vigneron veut revenir au franc de pied, on a des expériences un peu partout, mais ça demande…, alors déjà…, quand on leur dit qu’il faut retravailler leur sol, qu’il faut remettre du compost, des fois, c’est déjà difficile, si vous remettez du franc de pied, là il faut vraiment être comme avec un bébé, il ne faut pas le lâcher, quoi.

Ruth Stégassy : Jour et nuit.

Lydia Bourguignon : Quasiment.

Claude Bourguignon : Mais par exemple, avec Lydia nous avons créé le Cru des Doges à Venise, sur une île, l’île de Venise, qui avait disparu à la fin du XVIIIème, et là on a pu planter franc de pied, parce qu’on avait étudié le sol, c’est un sol où on sait que le phylloxéra ne peut pas se développer dedans, et ça fait un vin, les gens n’en reviennent pas. Parce que les vins italiens n’ont pas une très, très bonne réputation. Mais là vous retrouvez cette fraîcheur du franc de pied, qui est tout à fait étonnante, et les vénitiens sont ravis de revoir à nouveau ce vin qui avait disparu. Donc on peut recréer des choses qui ont disparues.

Ruth Stégassy : On imagine. Donc ça on peut recréer. Restons maintenant sur le porte greffe, vous avez aussi parlé des pratiques culturales. Donc là il faut revenir à des pratiques culturales anciennes ou bien est ce que, de même que l’agriculture biologique, ça n’est pas exactement l’agriculture d’avant, mais une version contemporaine de ce qui était l’agriculture traditionnelle, et est ce qu’il y a une viticulture ultra contemporaine ? Là je vous tend une perche.

Lydia Bourguignon : Beaucoup de gens nous disent si on retravaille, si…, c’est un retour en arrière. Non, de toute façon, on ne peut pas non plus supprimer complètement le modernisme. Nous déjà, la première chose, je crois que c’est important de dire, c’est que : il faut faire un constat. La première chose qu’on va faire, si un vigneron nous appelle c’est un constat. C’est regarder qu’est ce qu’on peut lui apporter, donc en fonction…

Ruth Stégassy : C’est une sorte de diagnostic.

Lydia Bourguignon : Déjà un diagnostic. En Bourgogne… Je vais revenir peut être par chauvinisme, mais c’est vrai que, bon…, il y a des choses qui ont été très, très bien…, on connaît très bien les parcelles. Il y a des endroits où les vignerons ne connaissent pas, déjà on va faire un diagnostic, de leur dire : tout n’est pas forcément bon, parce que, en fait, les seules classifications, c’est la Bourgogne, et le Bordeaux. Pratiquement toutes les autres régions viticoles de France n’ont pas de classement, donc un vigneron…, toutes les parcelles n’ont pas forcément la même qualité, donc déjà on va classer…

Ruth Stégassy : alors vous vous allez travailler parcelle par parcelle

Lydia Bourguignon : On va déjà classer leur sol.

Ruth Stégassy : Comme les cisterciens.

Lydia Bourguignon : Voilà. On va leur dire : bon, ça vraiment c’est top, puis ça c’est moins top. Donc celui qui est moins top, vous allez moins, quelque part, vous en occuper, vous allez essayer de faire une viticulture qui va être en adéquation avec le prix que vous allez pouvoir vendre, par contre ces parcelles qui sont vraiment top, vous allez pouvoir faire un vin, et le montez plus haut, donc là vous allez vous avoir beaucoup plus d’attention.

Ruth Stégassy : Mais de nouveau, comment est-ce que vous arrivez à repérer les très bonnes parcelles puisque vous dite que elles sont extrêmement dégradées, que les sols sont extrêmement dégradés ?

Lydia Bourguignon : Il y a une mémoire

Claude Bourguignon : Il y a une mémoire. Les argiles ne sont pas toutes parties heureusement. Les argiles sont présentes. Dans notre classification nous utilisons énormément de critères : l’altitude, l’exposition, le type d’argile, etc. Il y a tout un ensemble de critères qui permet de dire voilà, là on est au niveau, je dirais équivalent grand cru pour la Bourgogne, ça c’est plutôt équivalent premier cru, ça c’est plutôt village, et ça c’est vin ordinaire. Parce que à l’heure actuelle, comme les gens ne… dans les zones non classées, des gens qui dépensent beaucoup d’énergie sur des sols sans grand intérêt, alors ils font de la haute densité, ça leur coûte très cher, alors que le sol ne fera jamais un grand vin, c’est un sol pour faire du vin de table. Il n’y a rien de péjoratif dans ce que je dis, c’est que le sol n’est pas politiquement correct. C’est comme ça. Il y a des sols qui feront toujours du vin de table, et des sols qui feront des merveilles. Autant servir en premier au mieux ce qui est le plus grand, et puis plus tranquille avec le plus simple, sans porter de…, sans l’abandonner.

Ruth Stégassy : Alors ensuite il faut ramener un peu de vie, dans tout ça. Comment est-ce qu’on s’y prend ?

Lydia Bourguignon : On va conseiller le compost, dans beaucoup de cas. C’est-à-dire refaire de la matière organique. Donc soit le vigneron si il peut, si il a la possibilité il va le faire. On va l’aider à faire un compost, parce que pour beaucoup de gens le compost, on met un peu de fumier de vache, de chevaux, un peu de paille, mais un compost c’est une fermentation, donc c’est aussi compliqué qu’un vin, un vin c’est du raisin qui est fermenté, le compost c’est une vrai fermentation et si c’est pas bien fait, et bien ça vire sur le…, sur une mauvaise…, ils sentent mauvais, ils vont vers de l’hydro…, ils deviennent comme du beurre, comme un vin irait au vinaigre, donc on va travailler…, mais ça c’est pareil, chaque vigneron, en fonction du type de sol, on va lui dire vous mettez tant de compost, parce que si vous en mettez trop, et que le sol n’est pas capable de l’absorber, de le complexer, en fait ça sert à rien, donc en fait on fait une analyse, et en fonction du type de l’analyse on va lui dire bon, vous mettez deux tonnes, par hectare tous les ans, ou trois tonnes, ou quatre tonnes, et c’est le sol qui va dire qu’est ce qu’il faut qu’il fasse. En fait c’est le sol qui dit, c’est pas le viticulteur, ce n’est pas nous, c’est le sol qui dit : j’ai besoin de ça, et en fonction de ça on va l’écouter, on va travailler avec.

Ruth Stégassy : C’est quand même vous, vous êtes un peu les traducteurs du sol là, en l’occurrence.

Lydia Bourguignon : Mais c’est lui qui dicte, c’est pas nous qui dictons.

Ruth Stégassy : Ou les porte-voix. Vous êtes intéressé aux BRF, les bois raméaux fragmentés.

Claude Bourguignon : Oui. Bon là c’est pour les cas extrêmes, quand vous avez un sol qui est vraiment complètement mort parce que nous mesurons dans le vignoble européen des sols où il n’y a même plus d’activité biologique mesurable au laboratoire, c’est-à-dire qu’on ne peut plus rien détecter.

Ruth Stégassy : Vraiment ?

Claude Bourguignon : Ah oui, il y a des sols qui sont totalement mort, complètement mort avec des vignes qui sont couvertes de virose, de l’esca partout, les pieds qui meurent par ce qu’on appelle les asphyxies. Vous avez des gens ils ont tellement d’asphyxie, tellement de pied qui meurent chaque année, qu’ils sont en dessous de la densité de l’AOC, ils se trouvent dans l’illégalité tellement la vigne meurent. Quand on est dans une situation extrême comme ça, on va utiliser le bois raméal fragmenté.

Ruth Stégassy : Pourquoi est-ce que vous le gardez pour les cas extrême ?

Claude Bourguignon : Parce que il coûte cher, il est quand même compliqué à épandre, donc c’est pas simple c’est un vrai travail, il faut en mettre…, quand un sol est vraiment à genoux, il faut en mettre 400 mètres cubes / hectare, donc quand vous êtes entre les rangs des vignes, c’est pas commode à épandre. Donc on va garder ça pour des situations…

Ruth Stégassy : On va rappeler le principe des BRF pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents.

Claude Bourguignon : Le principe des BRF…, il faut savoir que maintenant, il n’y a plus…, nous on a encore appris : règne animal, règne végétal. C’est fini ça. Il y a trois règnes : règne animal, règne végétal et règne des champignons. Les champignons sont les animaux…, enfin les organismes les plus importants du monde. C’est eux qui fabriquent le sol, et en particuliers ils fabriquent les humus, ils sont les seuls à faire les humus. A l’opposé les bactéries minéralisent et mangent la matière organique. Vous avez deux mondes…

Ruth Stégassy : Vous avez le temps, Claude Bourguignon, vous avez le temps.

Claude Bourguignon : Vous avez donc…, un peu…, deux mondes antagonistes, les champignons qui fabriquent la molécule organique la plus complexe du monde qui est l’humus, et puis de l’autre coté les bactéries qui la minéralise et qui la mange. Toute l’agronomie depuis un siècle est basée sur la minéralisation, nous apportons des éléments minéraux, nous stimulons les bactéries, nous faisons disparaître la matière organique, et nous mettons des fongicides, et nous tuons au contraire les champignons, qui eux fabriquent l’humus et fabriquent le sol Donc il se trouve que les champignons sont les seuls organismes capables d’attaquer la lignine, et cette lignine elle est surtout majoritaire dans les arbres, en particuliers les feuillus, pas les résineux. Donc le feuillu va être une source de lignine que les champignons vont transformer en humus, et il se trouve que pour accélérer le processus, la forme de lignine la plus rapidement utilisée par les champignons, ce sont les bois raméaux fragmentés. C’est un nom qui a été donné par l’inventeur, Gay, dont l’élève a été ensuite Lemieux, au Canada, qui a travaillé ensuite sur cette capacité extraordinaire qu’ont les champignons de vous remettre un sol en vie dès que vous leur donnez à manger du bois. Et les anciens, il ne faut pas l’oublier, avaient créés l’équilibre agro–silvo–pastoral, ils avaient compris que l’arbre avait un rôle fondamental dans l’équilibre, et nous avons arraché trois millions de kilomètres de verts en France, on a arraché les haies partout dans le monde, et nous n’avons plus de bois, nous n’avons plus de forêt, et la forêt, c’est elle qui créé les sols. Donc déjà il faut apprendre…, quand le sol est trop mort, on travaille avec ces bois raméaux fragmentés, on relance d’un seul coup la population de champignons, mais il faut aussi que le vigneron arrête d’arroser de pesticides, il faut qu’il se remette à travailler les sols, donc on a maintenant des machines, des petits chenillards, ou des machines très peu pesantes qui esquintent très peu le sol

Ruth Stégassy : Travailler les sols ça veut dire labourer les sols ?

Claude Bourguignon : Oui, parce que dans le cas de la vigne, c’est la seule plante où on fait travailler le sol, on fait au contraire arrêter le sol…, arrêter le travail du sol en céréale. Mais la vigne c’est une plante particulière, c’est une plante qui a deux enracinements, un enracinement superficiel qui se nourri de la matière organique, et un enracinement profond, or le terroir il est en profondeur. Et les anciens, ont tout de suite compris, il y a très, très longtemps, qu’il fallait casser le petit réseau superficiel de la vigne pour qu’elle se nourrisse qu’avec le fond sinon le vin de vient plus quelconque Et donc il faut le travailler. On fait ça, on le travaille mais maintenant on n’est pas obligé de revenir au cheval. Il y a des domaines qui reviennent au cheval, c’est le top, mais bon…, on ne peut pas faire ça sur des grandes surfaces

Ruth Stégassy : Mais ça c’est extrêmement délicat puisque je croyais que lorsqu’on labourait le sol on…, à nouveau on attaquez la structure qui était mise en place par les vers de terre, la micro faune, etc.

Lydia Bourguignon : Oui, mais dans la vigne ce n’est pas un labour profond, parce que là, vous parlez, en agriculture où en fait le labour…, autrefois on faisait des labours qui étaient à 15, 20 centimètres, on ne détruisait pas les sols comme maintenant. Maintenant les machines, les tracteurs sont de plus en plus lourds, les socles de charrues sont de plus en plus profonds, et vous avez des labours à 40 centimètres. A 40 centimètres vous n’êtes plus en surface, vous êtes déjà à l’intérieur du sol. Et chez les vignerons on ne fait jamais…, d’ailleurs Claude a dit, on travaille le sol, on ne laboure pas. Il n’y a qu’un moment où on le fait, alors ça c’est un peu particulier, c’est très utilisé autrefois, c’était pour protéger la vigne en hiver, on la butait. Donc en fait avec un socle, on remettait la terre…, on chaussait le pied de vigne, parce qu’en fait c’était aussi pour la…, protéger le pied contre le froid. Maintenant on a moins d’hiver rigoureux, donc il n’y a pas forcément une nécessité. Donc on dit butter, débutter, en Bourgogne on dit cavailloner, décavailloner, et avec le couteau, après on retire la terre du pied. Mais autrement c’est un petit travail d’intercepte, pour couper les mauvaises herbes, et couper ces racines superficielles, c’est à 10 centimètres, pas plus. Jamais on fait travailler une vigne au-delà.

Ruth Stégassy : Mais alors je m’apprêtais à vous emmener sur des terrains plus joyeux, mais là vous me faite penser…, le changement climatique Est-ce que c’est un problème supplémentaire, pour la vigne ?

Claude Bourguignon : Oui, ça c’est un vrai problème…, on a deux…

Lydia Bourguignon : Et le BRF sera certainement un moyen pour lutter contre les problèmes de réchauffement, parce qu’en fait, comme disait Claude, les champignons en plus ils ont un énorme avantage, ils ont des aquasporines, et en fait ils retiennent de l’eau Donc quand vous êtes sous du BRF, vous augmentez très, très nettement la quantité d’eau. Donc quand il a plu, le BRF grâce aux champignons va garder une humidité sous le pied, donc il n’est pas forcément question d’en mettre partout, mais en fait c’est un…, c’est une véritable réserve d’eau, à partir du moment où on a plus d’eau on va avoir plus de faune, plus d’aération, les racines vont donc descendre beaucoup plus en profondeur, et en profondeur, c’est vrai qu’il y a énormément de problème de sécheresse, mais quand la vigne a plus d’un mètre, un mètre cinquante, vous comprenez très bien qu’elle est nettement moins sensible aux différences de climat.

Ruth Stégassy : Bien sûr. Mais vous alliez dire Claude Bourguignon qu’on a deux problèmes, c’est ça ?

Claude Bourguignon : Oui, on a deux problèmes avec le réchauffement planétaire, il y a d’une part une avance de la floraison, qui est un vrai problème parce que, le fait que la floraison s’avance, ça fait que la vendange est de plus en plus précoce, en moyenne 15 jours maintenant sur la France. Or vous savez que la qualité d’un grand vin, un grand terroir, c’est quoi, c’est une zone climatique où justement avant la vendange, au mois de septembre, vous avez des journées chaudes et des nuits fraîches, et c’est ce qui va permettre de créer ce qu’on appelle la maturité phénolique. Plus vous descendez vers le sud, plus les cépages sont tardifs, parce que par exemple à Montpellier au mois de septembre il fait encore très chaud la nuit, donc on a des cépages qu’on va récolter en octobre, parce que c’est en octobre seulement qu’il fera frais. Mais à partir du moment où votre vendange s’avance, vous avez de plus en plus de risque de vendanger par exemple au mois d’août, et on n’a pas une nuit fraîche, et ça, ça nous fait des vins beaucoup plus lourd, déséquilibrés, qui n’ont pas une bonne maturité phénolique. Ca c’est un vrai danger pour la qualité de nos vins.

Lydia Bourguignon : Et on augmente la quantité d’alcool.

Claude Bourguignon : En plus.

Lydia Bourguignon : Oui, parce qu’en fait, on n’a pas…, on commence par le sucre, et la maturité phénolique vient après. Et en général quand les raisins sont brûlés ou il fait trop chaud, en fait ils n’ont pas eut le temps encore de faire cette maturité, et on va avoir des vins qui vont être beaucoup plus alcooleux, qu’avant. Et le réchauffement influe énormément sur les degrés alcooliques, à l’heure actuelle.

Ruth Stégassy : Mais alors revenons à l’idéal. Revenons…, je sais c’est une sorte de rêve mais pourquoi pas, revenons à une terre qui aurait été bien travaillée, qui serait vivante, qui serait…, je dit qui serait au conditionnel mais vous allez peut être me dire qu’il y en a, qu’il en existent quelques unes, qui aurait des porte-greffes, les fameux petits moches du fond qui se sont mit à produire et à donner des très bonnes choses. Ensuite il y a la vinification, est-ce que vous intervenez aussi là-dessus aussi, ou pas du tout ?

Claude Bourguignon : Lydia est œnologue, moi je ne suis pas œnologue, mais Lydia, c’est son travail, oui.

Lydia Bourguignon : Non, non, moi je n’inter…

Ruth Stégassy : Bon alors on va peut être commencer à écouter Lydia Bourguignon.

Lydia Bourguignon : Non, non, moi je ne fais pas du vin. En fait j’ai fait des études d’œnologie, et de dégustation, parce que la plupart du temps les gens critiquaient, quand on travaillait sur le terroir, les gens disaient : mais ça ne compte en rien du tout. Donc déjà je voulais comprendre pourquoi. Et puis d’autre part quand on avait des problèmes de sols, essayer de comprendre s’il y avait une relation…, le vigneron se plaignait de certains problèmes dans sa vinification, parce que soit il ne tenait pas ses pH, parce que ça n’allait pas. J’ai voulu voir, enfin essayer de voir si on pouvait peut-être avoir une relation quand il manque certains éléments, quand on a trop d’éléments, si chaque fois qu’on a ce…, par exemple trop de potasse, ça c’est sur, en fait il y a des problèmes de pH dans le vin…

Ruth Stégassy : Et la réponse est oui.

Lydia Bourguignon : Et la réponse est oui, mais vraiment très nettement. Donc en fait, c’est pour ça que j’ai fait des études d’œnologie, voir comment on faisait un vin, mais je ne fait pas de vin, et d’autre part après j’ai fait des…, j’ai été, j’ai fait des études de…, enfin j’ai fait des cours pour comprendre une forme de dégustation qui était autrefois liée au terroir, pour essayer de voir si là aussi c’était pas ce que…, enfin une vue de l’esprit si vraiment il y avait une relation entre le goût d’un vin et un terroir.

Ruth Stégassy : Parce que la dégustation aussi a changé ?

Claude Bourguignon : Ah oui, complètement.

Lydia Bourguignon : La dégustation a énormément changée, parce que en fait, on va revenir au chauvinisme bourguignon, mais…, le berceau du vin en France a été…, j’en revient toujours à la Bourgogne. Et en fait très tôt on a eut des vins de qualité, et comme ces vins de qualité ont été recherchés par la cour, et on n’avait pas des moyens de locomotion aussi rapide que maintenant, donc en fait, les…, Philippe le Bel et le…, s’est posé la question : comment faire pour être sûr qu’on ne nous trompe pas, qu’il y ait fraude ? Ils ont institués une profession qui s’est appelée les Gourmets. Et Gourmets Piqueurs de Vins…, Courtiers Gourmets et Piqueurs de Vins. Et ça, ça a été fait, cette profession a été faite en 1312. Et la profession été en fait pour reconnaître le terroir, c’est-à-dire que ces gens là, on leurs apprenait, donc ils devaient se promener dans les régions, mais surtout la Bourgogne, en fait c’est né en Bourgogne au démarrage, et en fait on leurs apprenait le terroir. C’est-à-dire qu’il fallait, et il y a eut des procès extrêmement graves, c’était eux qui donnaient le prix du vin, c’était eux qui faisaient comme maintenant, bon, Parker ou certaines choses, mais eux faisaient ça. Et en fait ils arrivaient à déguster par certains tests et de dire : « Monsieur, je vous garanti, c’est un La Tache. Ce n’est pas une Romanée Conti, ou une Romanée Saint Vivant, c’est un La Tache, parce que je retrouve ça, ça, ça, et ça c’est le terroir de La Tache ». Et ces gens là, ces Gourmets, pouvaient trouver si ça avait été coupé avec des cépages blancs. Donc en fait c’était une étude extrêmement approfondie, qui a été complètement, qui a complètement disparue, parce qu’en fait elle n’a pas pu être quantifiée. C’était la qualité, et on n’a pas pu quantifier. Donc Monsieur Chauvet, a fait après, ce qu’on appelle la dégustation sensorielle, et on a pu classer, mettre des notes, la couleur de un à quatre, et tout. Et en fait c’est l’institut..., c’est l’INAO qui a créé cette grille, après Parker, tout le monde part de notes sur cent, mais en fait c’est venu de là, et on a classé, on a pu noter, ce qui fait qu’un vin a eut une note. Et à l’heure actuelle, quand vous avez un vin qui a quatre-vingt douze, il est vendu, mais si il a quatre-vingt huit, il n’est plus vendu. L’explication entre quatre-vingt huit et quatre-vingt douze, quand on sait comment sont faites les dégustations, c’est dramatique pour le vin. Donc la dégustation a changée aussi. Elle est quantitative, elle n’est pas qualitative.

Ruth Stégassy : Elle n’est plus qualitative, d’autant qu’il n’y a plus véritablement de terroir.

Claude Bourguignon : On arrive même plus à les reconnaître. Vous avez des dégustations où ils n’arrivent même plus à reconnaître les terroirs de Bourgogne en goûtant les vins. Ce qui est quand même dramatique.

Ruth Stégassy : Mais alors, quand même. Pour terminer sur une note plus gaie. Un vin qui aurait été travaillé comme il faut, sur une terre belle, vivante, etc., je revient, est-ce que vous pouvez nous en parler ? Qu’est ce qu’il a de si particulier par rapport au vin qu’on connaît habituellement et qu’on note jusqu’à quatre-vingt douze.

Lydia Bourguignon : Un vin… Déjà il faut regarder sa… il faudra déjà regarder sa robe. En général un vin quand les robes étaient particulières. En plus quand vous allez le déguster, normalement il devra avoir une attaque souple, il ne doit pas du tout vous arracher, d’avoir cette impression de gencives qui vous tire, c’est un petit peu plus tard, si vous avez la qualité de vos tanins, vont vous donner une légère astringence, mais un vin ne doit jamais vous agresser, il doit toujours arriver en souplesse dans la bouche. Il va vous donner une sensation après de…, bien sur de plaisir, mais un grand vin va vous donner une impression…, comme une salive extrêmement onctueuse qui va arriver en bouche, parce que ça, ça va être la qualité de vos tanins. Vous allez avoir aussi la persistance, donc tous ces arômes qui vont…, et puis après, bon là je parle comme cette dégustation des gourmets, après on va avoir cette rétro olfaction, et on pourra parler des arômes, de tout cela. Mais normalement un vin, quand on le goûte, c’est un vrai, en plus, souvent, comme c’est lié à…, les arômes ou ce que l’on va ressentir, pour beaucoup de gens ça va leur rappeler soit une odeur, soit une sensation de leur enfance, donc un vin c’est un vrai voyage, quand le vin est bon, c’est un vrai voyage en fait. On a accompagne. Voilà. C’est ça un grand vin.

Ruth Stégassy : Le vin est une mémoire, comme les sols ont une mémoire.

Lydia Bourguignon : Voilà.

Claude Bourguignon : Ce qui est aussi…, comme…, avec Lydia, on va sans arrêt du sol au vin, puisque on travaille avec les vignerons. C’est assez extraordinaire de goûter chez un même vigneron, il faut faire ça chez le même vigneron, sinon ce n’est pas aussi parlant. Mais vous goûtez chez le même vigneron un vin qui…, le même cépage, venant d’un terroir sableux et d’un terroir argileux, et bien vous sentez le sable dans votre bouche, et vous sentez l’argile dans votre bouche. C’est-à-dire que…, un vin ça ce tâte. Les gens ne savent plus ça. Mais taste-vin, ça veut dire il faut tâter le vin avec sa langue et sa…, contre son palais et dans sa bouche. Les gens ils sont là uniquement à renifler, on est pas des machines à renifler, on est pas des chiens. C’est un produit culturel, le vin. C’est un produit qui se tâte. Et c’est extraordinaire, avec Lydia, à force et d’habitude, on dit : Tiens, ça c’est bien ce coté très caractéristique, très salin des terrains, par exemple du crétacé, ou ça au contraire, ce coté ardoisé des terrains du jurassique. Ce qui est intéressant, c’est que chaque fois, quand le vin est bien fait, quand il n’a pas été bourré de produits chimiques, et qu’il est sur un sol vivant, il a une identité. Et c’est ça qui est passionnant, parce que justement, il n’y a pas deux vins pareils, à partir du moment où ils viennent de deux parcelles différentes, il ne sera pas pareil. Même si il est fait par le même vigneron, dans la même cave, avec le même cépage. C’est ça qui est passionnant, comme le dit Lydia, c’est un vrai voyage.

Ruth Stégassy : Et justement, on va terminer sur vos voyages. Vous voyagez maintenant autour de la Terre. Vous avez trouvé des vins intéressant ailleurs ?

Lydia Bourguignon : Oui, on a…, pour nous certainement, bon on a pas fait toutes les régions mondiales du vin. Mais il y a une région, un pays qui nous a énormément étonné, c’est la Nouvelle-Zélande. On y est allé cette année. Et c’est vrai que bon, c’est l’hémisphère sud, mais au niveau de la latitude on est très, très proche de la France, puisque c’est à peu près pareil, c’est un climat qui est tempéré, et en fait ce sont des sols…, on a retrouvé des sols que l’on a rencontré en France, du type arc alpin, ou…, dans certains graves Et je pense que les vignerons, enfin la Nouvelle-Zélande, c’est pour nous certainement l’endroit, où on pourra vraiment faire des grands vins. Parce qu’en fait il ne fait pas trop chaud, il y a de la pluie, les sols sont intéressants, ils ne sont pas trop profonds. Donc en fait pour nous c’est un grand coin.

Ruth Stégassy : Ils sont vivants.

Claude Bourguignon : Non, non. La Nouvelle-Zélande c’est vingt litres de glyphosate à l’hectare.

Ruth Stégassy : Moi qui comptait…

Claude Bourguignon : Ils sont même encore plus méchants que nous.

Ruth Stégassy : Moi qui comptait sur votre oui pour faire une jolie fin de l’émission.

Claude Bourguignon : Ce qu’on veut dire, c’est qu’il y a de très beaux terroirs…

Lydia Bourguignon : …ailleurs dans le monde.

Claude Bourguignon : C’est-à-dire que pour le moment ils mettent ce qu’on appelle des cépages sexy., des cépages de Bordeaux. Mais si ils arrêtaient… si ils mettaient des vrais cépages, ils feraient de très beaux vins.

Ruth Stégassy : Et bien, la suite à la prochaine fois Claude et Lydia Bourguignon. Merci beaucoup, mais là, pour aujourd’hui on est un peu obligé d’arrêter. Les auditeurs pourront télécharger cette émission pendant une semaine. Ré - écouter les émissions des deux mois précédents, consulter notre revue de Web hebdomadaire, et même écouter le débat qui ne manquera pas d’être animé, et qui va commencer d’ici deux minutes, ici, au Phyto Bar. Terre à Terre vous est proposé par Ruth Stégassy. Préparation, documentation Laurence Chennepin, Anne Gouzon. Prise de son, au Phyto–Bar, Isabelle Limousin, Pascal Beaudin. Réalisation, Olivier Bétard. Et je vous souhaite une très bonne semaine.

 

Commentaires

Questions de terroir - le 21/12/2007 à 22:16 - Jean Carlain

Nous sommes très sensibles à la qualité de vos émissions qui mettent côte à côte un savoir empirique et nos réminiscences univertsitaires ( le parc jurassique dont nous bénéficssons pour la production, aussi bien de vins rouges que de truffes noires). L’immense parc jurassique dont bénéficie le domaine occitan nous montre que nos espoirs viti vinivoles ne sont pas prêts de sombrer dans un tourbillon touristico financier. Refaîtes en d’autres et bon vent, avec mes meilleurs voeux.

Jean CARLAIN ET JEAN MICHEAU RUE JULES FERRY CAZOULS LES BEZIERS

 

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